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Depuis sa création, CIRCUIT explore systématiquement la modernité musicale. Notre revue a consacré des numéros entiers à de grandes figures extérieures au Québec et au Canada, mais toujours en relation avec notre milieu: Boulez (vol. III, n° 1), Xenakis (vol. V, n° 2), Cage (vol. VIII, n° 2). D’autres livraisons se sont attardées aux fondateurs de notre culture musicale contemporaine: Vivier (vol. II, n°5 1-2), Garant (vol. VII, n° 2), aujourd’hui disparus, et deux numéros ont réuni les écrits majeurs de Gilles Tremblay (vol. V, n° 1; vol. VI, n° 1). De grandes tendances et des genres spécifiques ont été explorés: le postmodernisme (vol. I, n° 1), les musiques actuelles (vol. I, n° 2; vol. VI, n° 2), l’électroacoustique (vol. IV, nO5 1-2), l’opéra aujourd’hui (vol. III, n° 2). On s’est également efforcé de refléter les débats du moment avec les dossiers «Ruptures?» et «L’air du temps» (vol. VII, n° 1; vol. IX, n° 1).

Le présent numéro prolonge un nouvel axe inauguré avec les autoportraits du vol. VIII, n° 1 , dédié à la génération montréalaise de «’après-67», et qui se poursuivra dans un cahier à venir consacré à la génération la plus jeune. Aujourd’hui, nous donnons carte blanche à deux compositeurs majeurs du Québec, John Rea et Denys Bouliane, qui ont eu toute liberté pour choisir le mode de présentation de leur musique et de leur pensée.

CIRCUIT ne négligeant pas la profondeur des études musicologiques, on peut se réjouir que John Rea ait pris la peine d’interviewer pour nous un des plus grands musicologues actuels et penseur de la musique d’aujourd’hui, Ferdinand Larven Niemantz, dont l’œuvre musicale est malheureusement peu connue. Ce texte est bien symptomatique de l’image qu’on se fait des musiques canadiennes et québecoises à l’étranger. Dans son deuxième texte, «Nashville ou Darmstadt, le masque mortuaire de la postmodernité», Rea prolonge la réflexion générale qu’il avait entamée dans le vol. VIII, n° 1. II s’agit là encore du texte d’une conférence remarquée qu’il avait prononcée en mai 1996 sous l’égide de la Tribune des compositeurs de l’Association pour l’avancement de la recherche en musique du Québec (ARMuQ). Le compositeur y analyse longuement son œuvre Alma et Oskar.

Le copieux article de Denys Bouliane est d’un autre style. Prenant la figure du silène comme allégorie de son travail de compositeur, il en approfondit la signification par le biais de Rabelais et d’Eco et en illustre la signification musicale en proposant des analyses souvent détaillées de deux de ses œuvres Douze tiroirs de demi-vérités pour alléger votre descente et Comme un silène entrouvert. La proximité des textes de Rea et Bouliane est propre à éclairer les contours, les enjeux, les difficultés aussi, de la condition créatrice postmoderne.

L’illustration du numéro a été confiée à Carol Wainio, à la suggestion de John Rea.

La présente livraison est complétée par le texte de l’allocution prononcée par Lorraine Vaillancourt, directrice artistique du Nouvel Ensemble Moderne et co-fondatrice de CIRCUIT, lors de son entrée à la Société royale du Canada, le 16 avril 1998. Les lecteurs et lectrices apprécieront d’autant son plaidoyer émouvant et vigoureux en faveur de la musique d’aujourd’hui que Lorraine a décidé de quitter le comité de rédaction de notre revue: le succès et le rayonnement international du NEM, l’organisation de la Biennale et des Forums de jeunes compositeurs exigent que, à côté de ses activités d’enseignement, elle concentre ses énergies sur un même style d’activités. On peut regretter vivement son absence, on ne peut la lui reprocher. C’est la compositrice Isabelle Panneton, professeurs d’écriture et de composition à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, qui occupera désormais le «siège» de Lorraine Vaillancourt.

C’est pour des raisons analogues à celles de Lorraine que j’ai décidé de quitter le poste de rédacteur en chef de CIRCUIT. La grande maison d’édition italienne Einaudi m’a confié la direction d’une encyclopédie musicale internationale qui requiert une grande disponibilité et je travaille actuellement à la finition de deux ouvrages. Je m’éloigne de CIRCUIT sans inquiétudes alors que notre revue est maintenant bien implantée dans le milieu musical québécois et que, grâce au soutien du Fonds FCAR du ministère de l’Éducation du Québec, de l’Université de Montréal et du Conservatoire de musique de Montréal, elle a maintenant atteint son rythme de croisière. Dois-je préciser également que, en huit ans de participation à cette entreprise, aucune divergence de vues, aucun problème de quelque nature que ce soit avec mes collaborateurs n’est venu entacher l’enthousiasme que nous avons tous mis au service de sa réalisation? Je tiens à remercier chaleureusement Sophie Galaise, Lorraine Vaillancourt, Rémi Lapointe, Serge Provost, John Rea pour leurs contributions à des discussions souvent passionnantes dont je vais garder longtemps la nostalgie. Je tiens à souligner le travail et le dévouement de Sophie, notre directrice administrative, sans laquelle nombre de dossiers n’auraient pu être menés à bien, sans parler des menues et nombreuses besognes techniques dont elle s’est parfaitement acquittée. Je sais que, sous une nouvelle direction, elle contribuera efficacement à la continuation de CIRCUIT. J’adresse des remerciements particuliers à Danielle Péret: on lui doit la conception graphique d’ensemble de la revue, la réalisation de la couverture et l’articulation entre le texte et les illustrations pour chaque numéro. Je tiens à rappeler que la qualité visuelle de CIRCUIT est une des raisons de son succès. Enfin, j’exprime à tout le personnel des Presses de l’Université de Montréal, et notamment à Gérard Boismenu, leur directeur, et à Lise Bergevin, responsable des revues scientifiques, ma reconnaissance pour leur disponibilité, la qualité de leurs conseils et leur diligence dans la réalisation des tâches techniques et administratives.

C’est désormais Jean Boivin, professeur à l’École de musique de l’Université de Sherbrooke, qui assumera les responsabilités de rédacteur en chef. Ces dernières années, Jean s’est affirmé comme un des musicologues d’envergure au Québec. Son ouvrage La Classe de Messiaen, primé par de hautes instances, et dont CIRCUIT a rendu compte dans sa dernière livraison, témoigne de la qualité du chercheur. Je le remercie d’avoir accepté cette tâche nouvelle. Je suis certain que les futurs numéros de CIRCUIT bénéficieront de sa vaste culture, de son sentiment aigu de l’exigence et de l’originalité de ses idées.

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